Allocution prononcée le 28 août 2015 par Frank Gazzard, Président de l’asbl l’Avenir du Waux-Hall à l’occasion des 30 ans de l’association
Monsieur le Bourgmestre,
Messieurs les Echevins,
Mesdames, Messieurs les Conseillers,
Chères amies et amis du Waux-Hall,
Permettez-moi, tout d’abord, de vous remercier d’être présent pour célébrer le trentième anniversaire de notre association l’Avenir du Waux-Hall.
Cela fait, en effet, trente ans que des Spadois se sont regroupés pour défendre un joyau du Patrimoine wallon : le Waux-Hall.
Bien que vous connaissiez tous son histoire, vous ne m’en voudrez pas de souligner, une fois encore, l’intérêt historique de cet emblème de notre ville, pour ne pas dire de notre Région.
Il s’agit, en effet, d’un des rares témoins architecturaux de l’âge d’or de Spa.
En outre, il serait l’une des plus vieilles salles de jeux d’Europe.
J’ai dit prudemment « serait » mais, à Spa – où on en est particulièrement fier de notre terroir – nous disons volontiers qu’il est « le plus vieux casino du monde » !
Il s’agit peut-être d’une pointe de chauvinisme mal placé mais toujours est-il que, dès le 16e siècle, la ville de Spa était déjà renommée pour ses eaux et attirait de nombreux curistes.
Appelés « Bobelins » en Wallon de Spa, ces premiers véritables touristes prennent, certes, les eaux, mais doivent, aussi, être divertis.
Une justification médicale à ces pratiques est même avancée ; à savoir que l’absorption seule des eaux minérales ne suffit pas pour améliorer la santé.
Il faudrait également, afin de profiter au mieux de leurs effets bénéfiques, pratiquer des « mouvements volontaires », tels que la promenade à cheval, la chasse, la danse, la musique, le billard, les cartes …
Sans oublier, bien entendu, les charmantes compagnies !
Une thérapie de choc, en somme, que l’on suivrait encore volontiers aujourd’hui.
D’ailleurs, en voyant la grande forme de notre Bourgmestre, je parie qu’il a appliqué ces principes à la lettre.
Et, au 18e siècle, l’engouement pour Spa est devenu plus fort, toute la noblesse européenne s’y retrouvant en cure … et pour pratiquer des jeux qui étaient presque partout interdis sous l’Ancien Régime.
En corolaire, les mises d’argent aux jeux de hasard sont de plus en plus importantes.
Et c’est pour accueillir les nobles curistes que des maisons de jeux s’ouvrent en ville.
La première, la Redoute, est construite en 1763 dans le centre-ville.
En 1769, ce sera le Waux-Hall – qui nous rassemble encore aujourd’hui – et, en 1785, le salon Levoz.
Grâce aux revenus des jeux et à la présence toujours plus importante des curistes, Spa se développe et certains de ses habitants s’enrichissent.
Les lieux comme le Waux-Hall comptent ainsi parmi les entreprises les plus lucratives de la Principauté de Liège.
Ils assurent des revenus appréciables tant au Prince‑évêque – directement intéressé aux bénéfices – qu’aux nombreuses professions qui gravitent autour d’elles (épiciers, cafetiers, apothicaires, tailleurs, voituriers, artisans et autres usuriers).
En vingt ans, les prix augmentent de façon spectaculaire et sont parfois décuplés.
Cet afflux de capitaux permet d’améliorer le quotidien de la population : création d’écoles publiques, recrutement d’un médecin et de sages-femmes, hausse des revenus agricoles, lutte contre la disette …
En outre, divers travaux d’intérêt public sont réalisés : création de nouvelles routes, d’un service de diligences et d’un bureau des postes impériales, voûtement du Wayai, pavage des rues, installation de réverbères et de fontaines publiques, plantations …
Un corps de pompiers est constitué et un détachement armé assure le maintien de l’ordre.
Les particuliers ne sont pas en reste : de luxueux hôtels sont édifiés, les maisons privées en pan de bois sont remplacées par des constructions de brique et pierre de taille à toit d’ardoises ou de tuiles.
C’est donc la physionomie tout entière de Spa qui se modifie, la modeste bourgade se parant pour mériter son surnom de « Café de l’Europe ».
Directement issu de cet âge d’or, le Waux-Hall en est, aujourd’hui, un de ses derniers témoins.
C’est tout sauf anodin à l’heure où nous nous battons toujours pour faire savoir que l’origine du tourisme est à Spa, et que le nom « Spa » est utilisé partout dans le monde pour désigner des centres de remise en forme.
Dans ce contexte, c’est une chance exceptionnelle de pouvoir encore montrer un bâtiment datant du 18e siècle.
Une chance exceptionnelle car il s’en est fallu de peu pour que notre connaissance du bâtiment se limite à des esquisses et des études.
En effet, en 1980, le Waux-Hall est quasi abandonné et a subi des dégradations importantes.
Les toits fuyaient, de graves infiltrations causaient des dégâts aux plafonds peints et aux stucs, des champignons se développaient, les piliers soutenant la grille d’honneur s’effondraient, des actes de vandalisme et des vols n’étaient pas rares.
C’est pourquoi, il y a 35 ans (à cette époque j’avais 15 ans), un comité de défense de ce bâtiment a vu le jour.
Composé d’une poignée de citoyens spadois dont on retrouve à la tête Gaston Bedoret, ce comité entame ce que l’on peut qualifier de combat pour la défense du bâtiment qui se délabre.
De nombreux articles, de nombreux courriers, de nombreux tracts ont été produits à l’époque pour sensibiliser les autorités politiques, les responsables du patrimoine et les citoyens.
Je profite d’ailleurs de cette réunion pour vous montrer le premier tract distribué par ce groupe de défenseur.
Pour donner un caractère officiel à l’association, des statuts sont signés, devant le Notaire Fassin à Spa, afin, je cite : « de promouvoir la sauvegarde, la rénovation et l’utilisation de bâtiments ou sites historiques de Spa, et en particulier du Waux-Hall ».
C’était il y a presque trente ans, jours pour jours, le 31 août 1985.
Pendant 15 ans, l’asbl a mené quantité d’actions telles que de la sensibilisation au patrimoine au travers de rencontres et de visites guidées du bâtiment, le suivi du dossier épineux de la réaffectation et de la restauration du Waux-Hall.
Malgré le fait que ce n’était qu’un groupement de bénévoles aux moyens limités, l’asbl a obtenu quelques résultats concrets, comme par exemple le premier prix du concours « Entreprendre pour sauvegarder », organisé en 1985 par la Fondation Roi Baudouin.
Il y eu aussi la mise en place d’une exposition sur le bâtiment ou encore la publication d’ouvrages tels que « A l’âge d’or de Spa, Le Waux-Hall au 18e siècle, Du 19e siècle à nos jours » écrit par Léon MARQUET et Gaston BEDORET, ouvrage qui fait toujours référence à ce jour.
L’action de ces pionniers auxquels le bâtiment doit tant a permis d’attirer l’attention de pouvoirs publics sur son sort.
En effet, bien que classé depuis 1936, le Waux-Hall est totalement abandonné en 1983 et les années passent sans que les nombreux espoirs de rénovation se concrétisent.
De 1987 à 1988, avec l’appui de la Région wallonne – qui venait de se voir transférer la compétence du Patrimoine ‑ et de la Province de Liège, la ville de Spa est en mesure de réparer la toiture, éradiquer la mérule et faire le relevé des éléments remarquables comme les fresques et les stucs.
Cette opération de sauvegarde fut d’ailleurs appuyée par l’inscription du Waux-Hall sur la liste du patrimoine exceptionnel de Wallonie en 1993.
Ces mesures conservatoires permettront d’éviter une dégradation plus importante du Waux-Hall, mais, aussi indispensables soient-elles, ce n’étaient que des mesures d’urgence.
En 2000, ne voyant pas le dossier avancer suffisamment – et pourtant il avait été patient ! – Gaston Bedoret ne souhaite plus assurer la direction de l’asbl.
Un appel est lancé et un groupe de nouveaux membres décident de venir épauler et soutenir Gaston dans sa démarche.
Une certaine Vanessa Krins, jeune historienne de l’art, spécialiste du bâtiment, accepte de reprendre la présidence de l’asbl.
Et – faut-il y voir un lien de cause à effet ? – les nouvelles positives vont s’enchaîner.
Tout d’abord, à partir de 2000, le nouvel Institut du Patrimoine wallon vient épauler la ville de Spa, notamment pour le dossier du Waux-Hall.
Cette aide précieuse a permis de le relancer et de concrétiser le projet de restauration, comme cela a été le cas dans de nombreuses villes.
Les membres de l’asbl s’en souviendront, c’est déjà à cette époque que nous avons noué des contacts amicaux avec l’IPW et en particulier avec son Directeur général qui ne pourra malheureusement être présent ce soir à nos côtés pour fêter nos 30 ans d’existence.
Rapidement, plusieurs étapes administratives importantes sont franchies : certificat de Patrimoine de l’enveloppe extérieure en 2002, permis d’urbanisme en 2003 et adjudication du chantier en 2004.
Tant et si bien que le chantier de restauration de l’extérieur, ouvert le 15 mars 2006 pour un montant de travaux de 2 200 000 €, est clôturé en avril 2010.
En 2007, l’affectation du Waux-Hall est scellée au travers d’une concession domaniale d’exploitation en désignant le Spa Waux-Hall Club comme utilisateur.
Il s’agit d’un cercle d’affaire créé en 2005 par de nombreux acteurs et opérateurs économiques, culturels et touristiques dans le but de développer des relations publiques et des relations d’affaires dans notre région.
Finalement, mutatis mutandis, c’est un peu un retour à l’usage premier du Waux-Hall, puisque déjà au 18e siècle, on y faisait des affaires !
Conscient de l’intérêt patrimonial collectif du lieu, le Spa Waux-Hall Club a proposé de donner accès au bâtiment pour des associations locales spadoises pendant 25 jours par an.
Si beaucoup reste encore à faire pour achever la restauration intérieure, je pense que nous pouvons dire que le sauvetage du Waux-Hall est en bonne voie !
Et vous ne m’en voudrez pas de penser que notre ASBL y a, avec d’autres, contribué utilement.
Ceci étant, notre action ne s’est pas éteinte avec la transmission du flambeau aux Pouvoirs publics.
Ainsi, nous organisons toujours des visites guidées du bâtiment et présentons une exposition didactique à l’occasion des Journées du Patrimoine.
Dans ce cadre, depuis 2000, 6 000 personnes ont pu découvrir ce bâtiment unique en Wallonie.
En outre, pour le faire connaître au plus grand nombre, nous avons publié un ouvrage de Jean-Marc Monville : « Le Waux-Hall à Spa : A la découverte de l’un des derniers casinos du XVIIIe siècle ».
J’en profite également pour souligner les publications remarquables de Vanessa Krins, spécialiste de ce bâtiment, qui a décidé de quitter la présidence de l’asbl il y a quelques années pour rejoindre l’IPW et de s’y occuper du dossier.
Nous avons encore de nombreux projet comme la préparation, pour l’année prochaine, d’une déclinaison de l’histoire du Waux-Hall en une vidéo sur le 18e siècle à Spa.
Avant de conclure, je tiens à mettre en évidence celles et ceux qui ont œuvré pour faire avancer le dossier …
Les architectes, la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles, la division du Patrimoine de la Wallonie, dont je dois excuser l’absence de son Inspecteur général, retenu par d’autres obligations.
Il faut, aussi, une nouvelle fois, souligner le rôle de l’IPW, et bien sûr, de la Ville de Spa, heureuse propriétaire du bien, qui fait le maximum pour faire avancer le dossier.
Et ce n’est pas simple tant au regard de la taille modeste de notre ville que des contraintes budgétaires qui s’imposent à tous les pouvoirs publics.
En ce sens, l’implication du Collège communal démontre l’intérêt qu’il porte à cet emblème dont nous voulons achever la restauration.
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Avant de passer la parole à notre Bourgmestre, je m’en voudrais de terminer sans saluer les membres passés et présents de l’association.
Cela fait trente ans qu’ils œuvrent bénévolement au sein de l’asbl dans le seul but de sauver un élément majeur du patrimoine de notre ville.
Et même si la renaissance du bâtiment constitue, sans aucun doute, leur meilleure récompense je tiens, moi aussi, à les remercier très chaleureusement pour leur implication.
Merci, donc, et encore très bon anniversaire !
Frank GAZZARD
Président de l’asbl L’Avenir du Waux-Hall